🏜️Que faire le MARIAGE traverse un DESERT ?
- templedurenouveau
- 17 juil.
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Dernière mise à jour : 10 août

Un mariage en crise : Dieu prend du recul
Tu conviendras avec moi qu’il peut y avoir un moment dans la relation conjugale où il devient compliqué de se comprendre, de communiquer et où, bizarrement, les points de désaccords et le confort de l’habitude deviennent les seuls points communs qui maintiennent encore attachés à l’un à l’autre.
Dans cette saison, il devient parfois nécessaire de faire un pas de côté, de prendre du recul pour analyser ce qui ne fonctionne pas dans la relation afin de trouver des solutions qui viendront gommer les irritants et permettront de reconstruire sur des bases saines et solides.
Dans le récit biblique, la période intertestamentaire, ce long intervalle entre les dernières paroles de Malachie et la voix prophétique de Jean-Baptiste, pourrait s’apparenter à une pause divine face à une relation d’alliance qui accumulait les incompréhensions et les trahisons.
A l’image d’un mariage en crise, le Seigneur choisit de mettre de la distance entre Son peuple et Lui. Durant cette période, Ses paroles se font rares, voire inexistante et les petites attentions semblent absentes, mais cette histoire d’amour n’a pas vocation à s’arrêter. Ce n’est pas un divorce qui est prononcé mais plutôt un éloignement pour mieux rallumer la flamme.
Lorsque Jérusalem tombe aux mains des Babyloniens en 586 avant Jésus Christ, une grande partie du peuple est déportée à Babylone. C’est le retour d’une réalité que le peuple hébreu connaît trop bien : celle de l’exil et de la servitude.
Comme au temps de l’Egypte, les hébreux se retrouvent étrangers dans une nation qui n’est pas la leur, soumis à un roi païen et prisonniers d’un empire dont les dieux et les lois sont étrangers à l’alliance conclue dans le désert du Sinaï.
Ici, l’exil à Babylone ne représente pas seulement une crise politique. C’est une crise identitaire, spirituelle et juridique. Le peuple a été arraché non seulement à sa terre, mais aussi à un cadre de vie établi par la loi divine pour être plongé dans un système de domination fondé sur un tout autre droit : celui de l’empire babylonien, et notamment du code d’Hammurabi.
Sous l’empire babylonien, le peuple hébreu découvre une justice fondée sur le pouvoir absolu et les inégalités sociales. Le Code d’Hammurabi gravé sur pierre diffère grandement des dix commandements que Dieu a pris le temps de graver sur la pierre avec son doigt avant de les remettre à Moïse évoqué en Exode 32, versets 15 à 16 : “Moïse retourna et descendit de la montagne, les deux tables du témoignage dans sa main, les tables étaient écrites des deux côtés, elles étaient écrites de l’un et l’autre côté. Les tables étaient l’ouvrage de Dieu, et l’écriture était l’écriture de Dieu, gravée sur les tables.”
Alors que le code d’Hammurabi instaure un système juridique rigide, hiérarchisé selon les castes et dont la peine varie en fonction du statut de la victime, la loi divine s’y oppose frontalement. En effet, dans la Loi divine, l’étranger, la veuve et l'orphelin ont également droit à la justice. Ces droits spécifiques sont mentionnés en Lévitique 19, versets 33 à 34 : “Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l’opprimerez point. Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous ; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte. Je suis l’Eternel, votre Dieu” et dans le Deutéronome 24, verset 17 : “Tu ne porteras point atteinte au droit de l’étranger et de l’orphelin, et tu ne prendras point en gage le vêtement de la veuve”.
Dieu donne une loi au peuple hébreu qui ne cessera de leur rappeler l’Egypte. Comme un refrain, Dieu leur répète en Deutéronome 5, verset 15 : “ Tu te souviendras que tu as été esclave en Egypte” .
Force est de constater que les lois sur l’esclavage mentionnées dans le Lévitique et le Deutéronome sont profondément marquées par l’idée de dignité, de respect des limites et de libération.
En Deutéronome 15, versets 12 à 13, il est écrit qu’un esclave hébreu ne peut être au service de son maître éternellement : “Il te servira six années, mais la septième, tu le renverras libre” et que, malgré sa condition, il doit être traité avec respect : “Tu ne le renverras pas les mains vides”.
Les esclaves étrangers, quant à eux, bénéficient de droits fondamentaux, héritage direct des dix commandements, notamment le repos du sabbat.
Ainsi, le droit hébraïque reconnaît l’existence de l’esclavage, mais il en limite les effets néfastes en plaçant chaque être humain sous le regard d’un Dieu libérateur.
En contraste, le Code d’Hammurabi, pilier juridique de l’empire babylonien, propose une conception très différente de la justice.
Il distingue sévèrement les droits des différentes classes sociales : les peines pour une même infraction diffèrent selon que l’on est “awilu” (ou homme libre), “mushkenu” (homme de condition inférieure) ou esclave.
Les esclaves sont considérés comme des biens meubles, des objets. Une personne libre peut être mise à mort pour avoir tué un homme libre, mais elle n’aura qu’une amende à payer pour avoir tué un esclave.
Un maître peut battre un esclave sans que cela ne soit considéré comme un crime, sauf s’il tue un esclave appartenant à un autre propriétaire.
Là où la loi divine considère l’être humain comme un sujet en le plaçant dans une relation d’alliance avec Dieu, le Code d’Hammurabi le transforme en un objet en le réduisant à une place figée dans une hiérarchie sociale basée sur le privilège de la naissance et non sur la dignité de l’individu.
Mettons nous quelques minutes à la place du peuple hébreu pour essayer de mieux le comprendre.
Cette immersion forcée dans un ordre juridique et spirituel étranger vient à provoquer chez nos exilés une importante tension mentale et spirituelle.
Peuple en exil, les hébreux vivent en tension permanente entre deux réalités : ils connaissent les lois de Moïse, écrites pour protéger le pauvre, le faible et l’étranger mais ils vivent désormais sous des lois qui renforcent le pouvoir des puissants, légitiment l’oppression et réduisent la personne humaine à une fonction sociale ou économique.
Retrouvons maintenant Daniel, éminent prophète hébreux et homme d’Etat influent.
Le récit de son histoire illustre bien l’aspect arbitraire de la législation babylonienne qui est, parfois, soumise aux humeurs changeantes du roi Nebucadnetsar et influencée par les circonstances extérieures.
Daniel 2, versets 1 à 13 nous montre une situation assez caucace : le roi exige que les sages de sa cour lui fassent l’interprétation d’un rêve qu’il reconnaît lui-même avoir oublié : “La seconde année du règne de Nebucadnetsar, Nebucdnetsar eut des songes.Il avait l’esprit agité, et ne pouvait pas dormir. Le roi fit appeler les magiciens, les astrologues, les enchanteurs et les chaldéens pour qu’ils lui disent ses songes [...] Le roi reprit la parole et dit aux Chaldéens : La chose m’a échappé ; si vous ne me faîtes connaître le songe et son explication, vous serez mis en pièces, et vos maisons seront réduites en un tas d’immondices. Mais si vous me dîtes le songe et son explication, vous recevrez de moi des dons, et des présents et de grands honneurs [...]”
Face à cette requête assez floue, les sages vont demander des précisions au roi qui, en retour, les accuse, les menace et renforce le niveau de la peine encourue : “Là-dessus le roi se mit en colère, et s’irrita violemment. Il ordonna qu’on fasse périr tous les sages de Babylone. La sentence fut publiée, les sages étaient mis à mort, et l’on cherchait Daniel et ses compagnons pour les faire mourir”
La réaction du roi est intéressante à étudier car elle montre un exemple de la manière dont fonctionnait le système judiciaire babylonien.
Elle nous révèle que ce système était fondé sur la peur et l’arbitraire : le roi peut éditer des lois en se laissant diriger par son orgueil ou par ses émotions.
Tu l’auras compris, dans l’empire babylonien, chaque décret, chaque jugement du roi, chaque scène de la vie quotidienne renvoie au peuple hébreu un message implicite que l’on peut résumer ainsi : “votre Dieu a perdu, votre loi est dépassée”.
Il est possible de supposer que ces contradictions constantes entre héritage spirituel et réalités quotidiennes engendraient un choc des valeurs si violent qu’il aboutit non seulement sur une remise en question de l’alliance mais suscitaient également des questionnements intérieurs profonds : comment rester fidèle à un mariage spirituel dans un contexte où tout semble l’invalider ?
C’est cette tension intérieure entre la foi et la réalité terrestre, la mémoire et l'oppression, que le Seigneur va utiliser pour entamer une transformation intérieure.
C’est dans cette période de crise que Dieu annonce, par la bouche du prophète Jérémie, une nouvelle dimension de l’alliance : “Mais voici l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, dit l’Eternel : je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur ; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple.” (Jérémie 31 :33)
Cette prophétie vient apporter une réponse au conflit intérieur et spirituel vécu.
Bientôt, la mise en application de la loi ne dépendra plus d’un territoire ou d’un temple, mais elle habitera intérieurement chaque croyant.
De cette manière, les exils et les déserts à venir n’auront plus raison de la justice de Dieu. Dieu fera évoluer la mise en application de Sa loi afin qu'elle puisse traverser toutes les époques et tous les empires.
Un mariage sous pression : l’alliance éprouvée par les lois humaines
La scène du festin de Belschatsar, fils de Nebucadnetsar et roi de Babylone, dans Daniel 5, montre un point de bascule dans la période de l’exil.
Lors d’un festin, le roi et sa cour décident d’utiliser les ustensiles du Temple de Jérusalem pour s’enivrer : “Alors on apporta les vases d’or qui avaient été enlevés du temple, de la maison de Dieu à Jérusalem; et le roi et ses grands, ses femmes et ses concubines, s’en servirent pour boire. Ils burent du vin, et ils louèrent les dieux d’or et d’argent, d’airain, de fer, de bois et de pierre.” (Daniel 5 : 3-4)
Ce type d’acte rappelle Lévitique 10, verset 1 : “Les fils d’Aaron, Nadab et Abihu, prirent chacun un brasier, y mirent du feu, et posèrent du parfum dessus; ils apportèrent devant l’Eternel du feu étranger, ce qu’il ne leur avait point ordonné. Alors le feu sortit de devant l’Eternel, et les consuma : ils moururent devant l’Eternel.”
Il existe un point commun entre ces deux situations : la profanation du sacré entraîne un jugement immédiat. Le sanctuaire, qu’il soit mobile dans le désert ou représenté ici par ses objets en exil, reste réservé à un usage pur et consacré.
Pour Belchatsar, comme pour les fils d’Aaron, le verdict est sans appel. Daniel le lui annonce sans détour : “Voici l’écriture qui a été tracée : Compté, compté, pesé et divisé. Et voici l’explication de ces mots. Compté : Dieu a compté ton règne et y a mis fin. Pesé : Tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé léger. Divisé : Ton royaume sera divisé et donné aux Mèdes et aux Perses. [...] Cette même nuit, Belchatsar, roi des Chaldéens, fut tué. Et Darius, le Mède, s’empara du royaume, étant âgé de soixante-deux ans.” (Daniel 5 : 25-28, 30-31)
Ce basculement de situation, annoncé en Jérémie 29, versets 10 à 14, ouvre non seulement la voie à un changement de souveraineté mais également à une relecture du droit dans l’exil du peuple hébreux.
Après la conquête de Babylone, l’empire médo perse s’impose. Contrairement au despotisme babylonien, les perses pratiquent une certaine tolérance religieuse comme le stipule le livre d’Esdras : “La première année du règne de Cyrus, afin que s’accomplit la Parole de l’Eternel prononcée par la bouche de Jérémie, l’Éternel réveilla l’esprit de Cyrus qui fit faire de vive voix et par écrit cette publication : Ainsi parle Cyrus, roi des Perses : l’Eternel, le Dieu des Cieux, m’a donné tous les royaumes de la terre, et il m’a commandé de lui bâtir une maison à Jérusalem en Juda. Qui d’entre vous est de son peuple ? Que son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem en Juda et bâtisse la maison de l’Eternel, le Dieu d’Israël ! C’est le Dieu qui est à Jérusalem.” (Esdras 1 : 1-3)
Avec le retour permis par Cyrus, une période de réparation commence pour le peuple hébreu. Esdras, qui incarne le scribe de l’alliance restaurée, se remet à enseigner la loi divine au peuple, relit les commandements et rétablit les fondements du droit biblique.
Néhémie poursuit son œuvre en reconstruisant les murailles et en appelant le peuple à la repentance.
C’est dans ce contexte que le peuple redécouvre son héritage spirituel et sa vocation oubliée : vivre selon une justice fondée non sur le rapport de force et le pouvoir mais sur le respect de la dignité humaine et la protection du plus faible.
Aussi tolérante soit-elle, la loi des Mèdes et des Perses est humaine et cache une faille structurelle. En effet, elle est réputée pour son irrévocabilité. Ce terme signifie qu’une fois qu’un décret royal est publié, il n’est plus possible de revenir en arrière pour y apporter des corrections, ou des nuances. Ainsi, en cristallisant la loi au point de la rendre intouchable, les mèdes et les perses l’ont mise au service des jeux de pouvoir exercés à des fins politiques.
Ce paradoxe est clairement illustré dans les récits de Daniel 6 et du livre d’Esther.
Dans Daniel 6, des ministres hostiles exploitent la rigidité du droit pour piéger Daniel, connu pour sa fidélité envers Dieu. Ils incitent le roi Darius à signer un décret interdisant toute prière adressée à un autre que lui pendant trente jours.
Daniel continue de prier trois fois par jour. Lorsque ceux qui le jalousent rapportent ce fait au roi, Darius, bien qu’attaché à Daniel, se retrouve impuissant et ne peut annuler le décret pour sauver Daniel de la fosse aux lions.
Le même schéma se retrouve dans Esther 3. Haman, haut dignitaire influent, convainc le roi Assuérus (Xerxès Ier) d’émettre un décret condamnant à mort le peuple juif.
Là encore, la loi ne pourra pas être annulée par le roi. Même après que la manipulation de la part d’Haman ait été révélée, le roi se contente de publier un second décret permettant aux juifs de se défendre.
Ces deux récits montrent que le droit perse, bien que perçu comme stable et universel, souffre d’un manque de souplesse qui l’expose à l’arbitraire du pouvoir et à la corruption politique.
La loi perse devient un outil entre les mains des puissants qui peuvent la manipuler pour asseoir leur autorité ou éliminer des adversaires, comme le montrent clairement la mise en accusation de Daniel ou les intrigues d'Haman contre le peuple hébreu.
Aussi, ce système de justice, fondé sur des règles immuables, manque de souplesse face aux circonstances particulières puisque le roi, même lorsqu’il perçoit l’injustice est incapable de revenir en arrière ou de modérer les sanctions : la loi devient, alors, un instrument de pouvoir déconnecté d’un principe moral supérieur.
A l’inverse les lois de l’alliance révélée au peuple hébreu dans le désert du Sinaï reposent sur des fondements profondément différents du droit perse.
Elle est avant tout un engagement relationnel entre Dieu et son peuple, et non un simple code rigide. Cette loi vise à instaurer une société juste et solidaire, où la droiture, la miséricorde et la protection des plus faibles occupent une place centrale.
Contrairement au droit perse, la loi de l’alliance prévoit des mécanismes qui évitent l’injustice excessive.
Par exemple, les années sabbatiques et jubilaires permettent la remise des dettes et la libération des esclaves.
La justice qui en découle ne se limite pas à l’application aveugle d’une règle, mais implique un jugement équitable, animé par un cœur droit.
Cette loi est inséparable de la relation entre Dieu et Son peuple, conférant à la justice un caractère relationnel et dynamique.
L’obéissance à la loi est ainsi une réponse à l’amour de Dieu, et non un simple respect formel d’un code ; La réponse à la loi inclut la possibilité de repentir et de pardon, permettant ainsi à la relation brisée d’être restaurée.
Enfin, la loi de l’alliance condamne explicitement la corruption et l’injustice comme évoqué en Deutéronome 16, verset 19 : “Tu ne porteras atteinte à aucun droit, tu n’auras point égard à l’apparence des personnes et tu ne recevras point de présent, car les présents aveuglent les yeux des sages et corrompent les paroles des justes”.
Un mariage en danger : rester fidèle malgré le bruit du monde
La période intertestamentaire est souvent qualifiée de « temps du silence ».
Ce silence apparent de Dieu ne marque pas une absence totale, mais une suspension de la révélation directe.
Il s’agit d’un moment de maturation, de mise à l’épreuve de la fidélité du peuple hébreu, exilé et dominé.
C’est le silence nuptial, douloureux, qui vient marquer une pause spirituelle.
Tout au long de cette alliance, Dieu s’est dévoilé. Dieu a aimé. Dieu a promis. Mais le cœur du peuple hébreu, séduit par d’autres voix et d’autres ambitions, a vacillé.
Dans cette période un peu particulière, l’alliance n’est pas rompue.
Ce silence divin devient une invitation à la maturité spirituelle, à la méditation de la loi non pour la vivre comme un ensemble de règles à appliquer à la lettre mais plutôt pour se souvenir des premiers pas de cette histoire d’Amour qu’est l’alliance.
Cette période de pause coïncide également avec celle de la domination culturelle et juridique du monde grec, bientôt relayée par la puissance romaine.
Deux visions de la justice s’imposeront bientôt au peuple hébreu : l’une fondée sur la raison humaine, l’autre sur la puissance de l’ordre.
Le peuple hébreu devra choisir : suivre les séductions grecques et romaines ou rester fidèle à la mémoire de l’alliance du mont Sinaï, témoignage vivant de l’amour et de la justice divine.
Le droit grec repose sur une vision anthropocentrique du monde. Il est l’œuvre de penseurs tels que Platon et Aristote, qui conçoivent la loi comme le fruit de la raison humaine (logos), appliquée à l’organisation de la cité.
La justice devient un idéal à atteindre par la délibération, la logique et la recherche de l’harmonie sociale.
Ce modèle s’appuie sur l’idée que l’être humain est capable, par lui-même, de découvrir ce qui est juste, sans avoir recours à une autorité transcendante.
La loi, dans ce contexte, devient évolutive, perfectible, toujours sujette au débat. Elle s’écrit et se réécrit au gré des intérêts de la cité.
Si cette approche marque un progrès intellectuel important dans l’histoire humaine, elle n’en demeure pas moins vulnérable à l’arbitraire et à la manipulation des puissants.
Le droit grec, bien qu’intelligent et subtil, ne prétend pas révéler le sens ultime de la vie : il gère la cité, il ne sauve pas. Il organise, mais ne sanctifie pas.
Avec l’expansion de l’empire grec, cette vision s’élargit pour s'appliquer à tous via le mécanisme de l’hellénisme. Cette stratégie d'homogénéisation participe à la diffusion en masse de la culture grecque au sein des nations conquises.
L'hellénisme pénètre toutes les sphères de la société, jusque dans les terres du peuple hébreu.
L'hellénisme ne se limite pas à la simple diffusion de la pensée philosophique. Il s'agit plutôt de la diffusion d’un système global d'acculturation des nations étrangères aux usages grecs.
L'hellénisme s'immisce dans la sphère politique, dans l'éducation, dans l'art, dans la morale, et même dans la religion.
Dans cette atmosphère de domination culturelle, la foi juive est confrontée à une nouvelle tentation : celle du syncrétisme, c’est-à-dire l’intégration de la sagesse grecque à la foi révélée, au risque de diluer l’alliance dans un mélange culturel séduisant mais étranger à l’Esprit de Dieu.
Une fois de plus, la loi donnée au peuple hébreu dans le désert du Sinaï, vient s'opposer à la logique humaine.
Elle est le fruit d’une parole adressée dans le livre de l’Exode, au chapitre 20. Cette même loi divine n’est pas née d’un consensus, mais d’une rencontre dans le désert du Sinaï.
La loi mosaïque porte en elle une vocation théologique : elle est le reflet de la sainteté de Dieu, un appel à une justice enracinée dans la miséricorde, la vérité et la protection des plus faibles.
Contrairement aux lois humaines, elle n’a pas pour seul but de réguler, mais de sanctifier. Elle est inséparable de l’alliance : elle unit le peuple à Dieu dans une relation de fidélité, d’amour et d’obéissance.
L’interprétation de la loi divine est donc indissociable de la révélation. Ce n’est pas un simple code de conduite, mais une pédagogie divine, une lumière sur le chemin comme l’évoque le psalmiste dans le Psaume 119, verset 105 : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier. »
Durant la période intertestamentaire, le peuple hébreu doit expérimenter cette nouvelle opposition, sans voix prophétique.
Dieu semble se taire, mais Sa loi demeure. Ce silence n’est pas un abandon, mais une épreuve spirituelle : le peuple de Dieu est invité à persévérer dans la fidélité à la loi divine, alors même qu’autour de lui se diffusent les séductions de la sagesse humaine.
Au fil du temps, une nouvelle puissance va émerger : Rome.
Héritier du droit grec, mais plus structuré, le droit romain introduit l’idée d’un ordre juridique universel, au service de la paix impériale (Pax Romana).
Il administre les peuples conquis, codifie les relations sociales, et impose l’autorité de César.
Ce droit se veut rationnel, centralisé, efficace. Mais il reste fondé sur des principes politiques et non spirituels : il sert l’État, pas la sanctification de l’être humain.
Il est la loi du pouvoir, pas celle de l’alliance.
Dans cette succession de systèmes politiques et juridiques, babylonien, médo perse, grec et romain, une clé d’interprétation spirituelle nous est offerte en Daniel 2, versets 24 à 45 au travers de l’explication du rêve de Nebucadnetsar.
Dans cette vision, les royaumes humains sont représentés décroissants en valeur mais croissants en dureté : l'or, l'argent, le bronze, le fer, puis le fer mêlé d’argile. Ils résistent jusqu’à ce qu’une pierre non taillée par la main de l’être humain frappe la statue et la pulvérise.
Ce rêve illustre la fragilité des systèmes humains face au royaume des Cieux dont la justice n’est établie non par la main ou la pensée de l’être humain mais par le Seigneur lui-même.
Cette vision prophétique souligne l’échec de tous les systèmes de justice humaine.
Qu’ils soient brillants comme l’or de Babylone, subtils comme le bronze grec, ou puissants comme le fer romain, ils sont tous voués à tomber devant le règne éternel de Dieu.
Cette tension permanente entre raison humaine et loi divine trouve son point culminant en Jésus-Christ, qui déclarera en Matthieu 5, versets 17 à 18 : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. » Le Christ n’annule pas la loi divine, il en révèle le sens profond, en l’unissant définitivement à l’amour et à la grâce.
En lui, la loi cesse d’être extérieure pour devenir intérieure, vivante, inscrite dans les cœurs par l’Esprit. Il est la Parole faite chair, la justice divine incarnée. Là où le droit grec élève la raison humaine, et le droit romain impose la force de l’ordre, le Christ révèlera le mariage parfait entre la vérité et la miséricorde, entre la loi et la grâce divines.
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